Apeine sortions nous des portes du palais
Pour goûter de la mer les salubres bienfaits,
La douce Mélanie s'avançait noble et fière,
De ces lieux seul un homme entachait le mystère;
Sa tête d'une poire adoptait le contour;
Vers les eaux, lentement, il portait un pas lourd.
Levant les yeux au ciel, Mélanie s'inquiète :
«Pourquoi donc un canard cancane sur nos têtes?
Il semble nous guetter d'un œil plein de courroux
Et je crains d'être enfin la cible de ses coups.
Je penche pour le choix d'une prompte retraite…»

Le volatile odieux, l'impitoyable bête
N'attendit pas qu'elle eût achevé de parler
Pour s'abattre sur elle et d'un coup l'attaquer
Le perfide canard, aveugle à sa détresse,
De son bec jaunissant, lui mordille une fesse,
Ou pince ses mollets! Elle crie au secours,
Mais nul du châtiment ne vient changer le cours.
Pire! arrivent soudain, criant à mes oreilles
Poulets, cailles, dindons, oies, pintades, corneilles
Qui tous l'infortunée s'en viennent becqueter.
Las! dans une racine, elle se prend les pieds!
Voilà ti pas qu'ell' tomb' au milieu d'la volaille
Qui caquète, cancane et glougloute en pagaille,
J'entends le dernier cri d'un' féminine voix
Au milieu des coin coin des cui cui des crôa crôa
Ça trompette, ça craille et pis encor' ça piaule;
Je ne vois d'Mélanie qu'à peine un bout d'épaule.
Pour vous raconter ça, moi, j'ai sauvé ma peau,
Si vous me croyez pas, suivez les cris d'oiseaux!