Parce que la situation devenait intenable, je décidai de mettre enfin de l’ordre. Mais il m’en fallut du courage pour affronter la paperasse en pagaille qui s'entassait dans mes tiroirs saturés et celle qui, faute de lieu de rangement convenable, avait fini par s'amonceler un peu partout.

Je dus d'abord me débarrasser des papiers obsolètes ; trier, classer, par ordre chronologique, correspondance amoureuse et relevés bancaires, par ordre alphabétique, feuilles, fiches, faire-part, formulaires et factures en tous genres ; compartimenter le tout, dans des dossiers suspendus des bacs de rangement ou des classeurs de différentes couleurs ; démêler mes circonvolutions corticales, dans l’embrouillamini neuronal faire des coupes et réaménager les concepts selon le genre et l’espèce ; récurer les fentes synaptiques pour faciliter le passage des idées ; étiqueter aussi ce lot de souvenirs dont la plupart n’avaient jamais été véritablement ordonnés.

Mais je fus, à mon grand désarroi, incapable de me rappeler ma première chemise. Je me creusai les méninges, fouillai dans ma mémoire. Sans résultat. Je remuai de fond en combles tiroirs et armoires à la recherche d’un indice qui m’eût permis de me remémorer l’objet perdu. Peine perdue.

En voyant mon appartement à nouveau sens dessus dessous, j’eus un moment l’intention d’abandonner mes recherches pour stopper cette nouvelle hémorragie de désordre. Mais allais-je avoir le cran de m’en ficher, de ma première chemise ? Je ne suis pas de ceux qui se moquent de ce genre de choses…