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Les figures de style

Savoir les reconnaître, les nommer et comprendre leurs effets

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  1. Définitions et exemples
  2. Exercices

Sommaire

 

La comparaison et la métaphore

Crab est myope comme un écureil - ou bien était-ce une taupe ce petit animal ?

Eric Chevillard —

 

 

Formes

Parmi toutes les figures de style, la comparaison et la métaphore occupent une place de choix. Peut-être en raison de leur grande expressivité et de leurs inépuisables variations tant sémantiques que syntaxiques. 

Ces deux figures consistent en une mise en relation entre un comparé (un élément de la réalité que l'on veut exprimer) et un comparant (un élément issu d'un autre domaine et puisé dans son imaginaire) selon un principe d'analogie.

 

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Dans la comparaison, le lien entre comparant et comparé est rendu explicite par un terme de comparaison (comme, tel, semblable à, ressemble à, plus... que, etc. )

Un train qui siffle comme un sansonnet
c'est bien un sujet de sonnet 

— Raymond Queneau

Plus léger qu'un bouchon, j'ai dansé sur les flots.

— Arthur Rimbaud

 

La métaphore relie plus fortement le comparant et le comparé en faisant l'économie de tout terme de comparaison. Le rapport entre comparant et comparé n'est alors plus de ressemblance mais d'identification.

Libérée de la syntaxe du "comme", la métaphore peut prendre des formes grammaticales très variées :

Le livre est un grand arbre émergé des tombeaux.

— Alfred Jarry

Nous fumons tous ici l’opium de la grande altitude, voix basse, petits pas, petit souffle. Ne soyons pas si anxieux, c’est le mal des montagnes que nous sentons, l’affaire de quelques jours…

— Henri Michaux

Déjà s'éteint ma lampe,
Et l'ombre de la rampe,
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu'au plafond.

— Victor Hugo

Motif

Dans la comparaison comme dans la métaphore, le comparé et le comparant sont rapprochés en raison d'un ou plusieurs points communs que l'on rassemble sous le terme de motif.

Le motif peut être explicite ou implicite.

Par exemple, en écrivant "Soleil, cou coupé", Apollinaire n'établit pas clairement le lien qu'il perçoit entre comparé et comparant. Cette zone d'incertitude incite dès lors le lecteur du poème à envisager lui-même les relations possibles. Soleil et cou coupé peuvent ainsi être associés selon plusieurs points communs : leur couleur rougeoyante, leur forme circulaire, une espèce d'effusion ou d'éclat, leur mouvement déclinant. 

Sans motif exprimé clairement, les comparaisons et les métaphores sont ainsi plus ouvertes. Lorsque Rimbaud écrit par exemple : "Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou", il offre au lecteur plusieurs pistes d'interprétation. Évoque-t-il une image, un son, une atmosphère ? Le poète parle-t-il des astres ou rêve-t-il simplement de danseuses étoiles ? La formule ouverte rend possible les différentes interprétations.

Quand Charles Baudelaire écrit en revanche : "Sous le fardeau de ta paresse, ta tête d'enfant se balance avec la mollesse d'un jeune éléphant", il se concentre sur le mouvement lent et doux de l'animal et laisse de côté les autres traits du pachyderme qui pourraient être insultants. Ici, la proximité entre la femme et l'éléphant met en valeur la singularité du motif. La métaphore n'en est que plus originale et forte.

En résumé, de la comparaison motivée où tout est dit à la métaphore directe faite d'implicites, on peut constater une séries de variations que met en évidence le tableau suivant :

Comparaison motivée Cet homme d'affaires est aussi féroce qu'un requin Comparé + comparant + terme de comparaison + motif
Comparaison non motivée Cet homme d'affaire est comme un requin Comparé + comparant + terme de comparaison
Métaphore annoncée Cet homme d'affaire est un requin Comparé + Comparant
Métaphore directe Quel requin ! Comparant seul

 

Il est évident que bon nombre de métaphores et de comparaisons résistent à une simple analyse de ses constituants. Il suffit de songer à une formule comme celle de Lautréamont : "beau comme le tremblement des mains dans l'alcoolisme" ou celle de Paul Eluard : "la terre est bleue comme une orange" pour comprendre que la créativité des poètes est sans limites.

 

La métaphore filée

Cette macro-figure consiste en un déploiement d'une analogie.

Au petit jour naît la petite aube, la microaube
puis c’est le soleil bien à plat sur sa tartine
il finit par s’étaler, on le bat avec le blanc des nuages
et la farine des fumées de la nuit
et le soir meurt, la toute petite crêpe, la crépuscule

— Raymond Queneau

Chaque morceau de viande est une sorte d'usine, moulins et pressoirs à sang.
Tubulures, hauts fourneaux, cuves y voisinent avec les marteaux-pilons, les coussins de graisse.
La vapeur y jaillit, bouillante. Des feux sombres ou clairs rougeoient.
Des ruisseaux à ciel ouvert charrient des scories avec le fiel.
Et tout cela refroidit lentement à la nuit, à la mort.
Aussitôt, sinon la rouille, du moins d'autres réactions chimiques se produisent, qui dégagent des odeurs pestilentielles.

— Francis Ponge

 

 

La personnification

Cas particulier de métaphore, la personnification consiste à attribuer à un être inanimé ou abstrait les traits d'un personnage réel.

La faim passe bientôt sa griffe sous la porte,

Décroche un vieux manteau, saisit la montre, emporte

Les meubles, prend enfin quelque humble bague d'or

— Victor Hugo

 

 

L'antithèse

On parle d'antithèse quand, à l'intérieur d'une même phrase, des termes au sens opposés se répondent et créent des contrastes. 

Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles !
Il n'est plus de nuits, il n'est plus de jours ;
Dors... en attendant venir toutes celles
Qui disaient : Jamais ! Qui disaient : Toujours !

— Tristan Corbière

 

 

L'oxymore

L'oxymore, appelé aussi alliance de mots, unit syntaxiquement des termes aux sens opposés et exprime ainsi une réalité en apparence paradoxale. Les formes les plus classiques de la figure consistent en la liaison

  • d'un adjectif qualificatif et d'un nom

 quand le sel a perdu sa violente fraîcheur

— Raymond Queneau

Dans les clapotements furieux des marées

— Arthur Rimbaud

  • d'un adverbe et d'un adjectif

Dites, quoi donc s'entend venir
Sur les chemins de l'avenir,
De si tranquillement terrible ?

Emile Verhhaeren 

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Le chiasme

Le chiasme effectue un croisement de termes à l'intérieur d'une phrase et produit un effet de symétrie du point de vue syntaxique aux conséquences diverses du point de vue sémantique.

Un chiasme peut être plus ou moins évident, sa forme la plus pure étant celle qui renverse les mêmes termes, comme dans les exemples suivants :

Vivre simplement pour que d'autres puissent simplement vivre.

— Mahatma Gandhi

La mesure de l'amour, c'est d'aimer sans mesure.

— Saint Augustin

Mais le chiasme peut être moins évident et croiser des mots appartenant au même champ lexical et des antonymes. Cette forme permet ainsi de renforcer une antithèse :

On sentait à la fois la tristesse descendre

Et monter la douleur.

— Victor Hugo

Parfois, le chiasme ne met en relation croisée que des termes appartenant à un même champ lexical.

La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée

— Victor Hugo

 

 

L'hyperbole

L'hyperbole consiste en une amplification d'une idée ou d'un fait dans le but de les mettre en relief.

A Paris, l'homme ne sait où ranger son vélo. Il le met au pied de l'escalier quand le concierge le tolère. Le locataire du premier lui jalouse cette faveur. Sa femme trompée par l'obscurité se déchire les bas. L'homme conteste, le mari s'en mêle, la concierge intervient, les locataires descendent. Les sergents de ville ramassent les survivants.

— Alexandre Vialatte

 

 

L'Accumulation

L'accumulation consiste en une énumération de termes appartenant tous à une même catégorie dans le but de renforcer une idée.

Les oiseaux se mirent à chanter tous à la fois. Des cris, des roulades, des jacassements, des appels, des sifflements, des roucoulades, du phrasé, de l'égosillement. Cela était fou, enivrant, passionné et lucide, extra-lucide.

— Blaise Cendrars

 

 

L'euphémisme

L'euphémisme se traduit par l'atténuation d'une expression considérée comme désagréable. Les raisons de son usage peuvent être d'ordre social ou liées à des superstitions attachées à un mot.

Dans la tirade suivante, tirée du misanthrope de Molière, Le personnage d'Eliante, critiquant le langage mondain, explique comment des expressions négatives (en violet) sont adoucies voire même renversées par des tournures positives (en bleu). Elle nous offre ainsi une véritable leçon d'euphémisation.

ELIANTE

L'amour, pour l'ordinaire, est peu fait à ces lois,
Et l'on voit les amants vanter toujours leur choix;
Jamais leur passion n'y voit rien de blâmable,
Et dans l'objet aimé tout leur devient aimable:
Ils comptent les défauts pour des perfections,
Et savent y donner de favorables noms.
La pâle est aux jasmins en blancheur comparable;
La noire à faire peur, une brune adorable;
La maigre a de la taille et de la liberté;
La grasse est dans son port pleine de majesté;
La malpropre sur soi, de peu d'attraits chargée,
Est mise sous le nom de beauté négligée;
La géante paraît une déesse aux yeux;
La naine, un abrégé des merveilles des cieux;
L'orgueilleuse a le cœur digne d'une couronne;
La fourbe  a de l'esprit; la sotte est toute bonne;
La trop grande parleuse est d'agréable humeur;
Et la muette garde une honnête pudeur.
C'est ainsi qu'un amant dont l'ardeur est extrême
Aime jusqu'aux défauts des personnes qu'il aime.

 

— Molière, Le Misanthrope, II, 5

 

 

La litote

Au sens strict la litote est l'affirmation d'un fait par la négation de son contraire.

Plume ne peut pas dire qu'on ait excessivement d'égards pour lui en voyage. Les uns lui passent dessus sans crier gare, les autres s'essuient les mains à son veston. Il a fini par s'habituer.

- Henri Michaux

 

 

La métonymie et la synecdoque

On parle de métonymie lorsque, pour désigner un objet, on utilise une expression qui entretient avec lui une contiguïté matérielle ou symbolique.

  • Le lieu pour signifier les personnes qui y habitent

Passe un pensionnat (ô pauvres chairs !)

Plusieurs ont déjà leurs manchons d'hiver.

— Jules Laforgue

  • Le nom de l'auteur pour désigner son oeuvre :

Il est un air pour qui je donnerais

Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber

— Gérard de Nerval

  • L'instrument pour désigner son utilisateur :

L'hôtesse, qui connaissait d'Artagnan pour une fine lame, commença à pleurer et à s'arracher les cheveux.

— Alexandre Dumas

 

La synecdoque est une forme de métonymie dans laquelle l'objet et l'expression de substitution entretiennent un rapport d'inclusion.

Dans l'exemple suivant, le cercueil est exprimé par la matière qui le compose. On parle alors de synecdoque particularisante.

Mais les copains suivaient le sapin, le cœur serré,

En rigolant pour faire semblant de ne pas pleurer.

— Georges Brassens

A l'inverse, dans l'exemple suivant, c'est le nom de l'animal qui est utilisé pour désigner sa fourrure. On parle alors de synecdoque généralisante.

L'hermine est réservée aux pairs et au roi.

— Victor Hugo

 

 

L'antonomase

L'antonomase consiste à employer un nom propre pour désigner un nom commun ou à l'inverse utilisé un nom commun ou une expression pour désigner un nom propre. Selon les cas, l'antonomase peut être une forme particulière de métaphore ou de métonymie.

Il s’assura que la Belle Ardennaise couchait seule dans sa roulotte, le barnum* et sa femme dormant dans une autre voiture.

— Alphonse Allais

 

* Phinéas Taylor Barnum est un célèbre patron de cirque américain.