Objectif de l'exercice

  • Définir la situation d'énonciation d'un texte en en identifiant l'émetteur mais aussi le récepteur.
  • Clarifier la distinction entre auteur et narrateur
  • Définir les particularités génériques du récit d'anticipation

Déroulement de l'exercice

60 minutes

Par groupes (de 4-6 personnes), les élèves prennent connaissance des documents proposés puis s'organisent pour remplir, dans le temps imparti, les fiches destinées à présenter chacun des documents.

Extraits de textes

 Fiche de présentation

30 minutes

Chaque groupe donne une définition et les principales caractéristiques du récit d'anticipation en le distinguant d'autres formes de récits et d'autres textes envisageant le futur.

 

+ - Document 1 (Pierre Bordage)

Un taxi automatique aérien, un AA, s'est posé devant moi. Une voix suave m'a demandé où je désirais me rendre.

- Europe de l'Ouest, ai-je répondu, région de France, ville de Blois.

Des robots ont chargé mes bagages dans la soute. Je n'avais pas croisé un seul être humain depuis l'atterrissage de la navette. Où donc étaient passés les hommes ? Peut-être la chaleur les retenait-elle chez eux ?

- Température extérieure 49 degrés, arrivée à Blois, région France, continent Europe, prévue dans une heure trente, a précisé la voix mélodieuse.

Le taxi AA s'est élevé dans la lumière aveuglante du jour. J’ai vu, par la vitre teintée, l'astroport se fondre dans les ocres et les rouges du désert saharien. J’ai alors présumé que seules les machines pouvaient vivre dans une telle fournaise et que je retrouverais les hommes dans les zones tempérées. Rassuré, épuisé par les sensations et les émotions, je me suis assoupi dans la fraîcheur climatisée de l'AA.

La gare de Blois était, elle aussi, déserte. Du ciel sombre tombait un crachin tenace qui se posait sur les cheveux et les épaules comme une mantille aux mailles serrées. La ville ne ressemblait pas à celle de mes souvenirs. J’ai eu l'impression, un moment, que le taxi AA s'était trompé d'endroit. Ou que la navette m'avait déposé sur la mauvaise planète.

- Blois. Heure locale : 15 h 15. Température extérieure : 13 degrés.

La voix n'a exigé aucun paiement, comme si l'argent n'avait plus cours dans le vieux monde. Deux robots ont déchargé mes malles et les ont posées sur un chariot automatique qui m'a suivi dans chacun de mes mouvements. Dehors, je n'ai absolument rien reconnu, ni les maisons, ni les places, ni la végétation. Les orgueilleuses maisons qui se dressaient jadis de chaque côté des rues avaient été remplacées par des constructions arrondies et basses totalement dépourvues de fenêtres. Les habitations de Téthys, bien que simples et modestes, avaient davantage d'allure que ces sinistres bunkers en partie enterrés.

Un taxi automatique local, un AL, s'est dérouté vers moi et m'a proposé de me conduire à la destination de mon choix. Je lui ai donné l'adresse de mes parents et me suis installé sur la banquette pendant que les robots disposaient mes malles dans le coffre et sur le toit. La réalité ne collait pas à mes rêves.

Pierre Bordage, Dans le regard des miens, 2007

+ - Document 2 (Jules Verne)

Les hommes de ce XXIXe siècle vivent au milieu d’une féerie continuelle, sans avoir l’air de s’en douter. Blasés sur les merveilles, ils restent froids devant celles que le progrès leur apporte chaque jour. Tout leur semble naturel. S’ils la comparaient au passé, ils apprécieraient mieux notre civilisation, et ils se rendraient compte du chemin parcouru. Combien leur apparaîtraient plus admirables nos cités modernes aux voies larges de cent mètres, aux maisons hautes de trois cents, à la température toujours égale, au ciel sillonné par des milliers d’aéro-cars et d’aéro-omnibus ! Auprès de ces villes, dont la population atteint parfois jusqu’à dix millions d’habitants, qu’étaient ces villages, ces hameaux d’il y a mille ans, ces Paris, ces Londres, ces Berlin, ces New-York, bourgades mal aérées et boueuses, où circulaient des caisses cahotantes, traînées par des chevaux, — oui ! des chevaux ! c’est à ne pas le croire ! S’ils se représentaient le défectueux fonctionnement des paquebots et des chemins de fer, leurs collisions fréquentes leur lenteur aussi, quel prix les voyageurs n’attacheraient-ils pas aux aéro-trains, et surtout à ces tubes pneumatiques, jetés à travers les océans, et dans lesquels on les transporte avec une vitesse de quinze cents kilomètres à l’heure ? Enfin ne jouirait-on pas mieux du téléphone et du téléphote, en se disant que nos pères en étaient réduits à cet appareil antédiluvien qu’ils appelaient le « télégraphe » ?

Chose étrange ! Ces surprenantes transformations reposent sur des principes parfaitement connus de nos aïeux, qui n’en tiraient, pour ainsi dire, aucun parti. En effet, la chaleur, la vapeur, l’électricité, sont aussi vieilles que l’homme. À la fin du XIXe siècle, les savants n’affirmaient-ils pas déjà que la seule différence entre les forces physiques et chimiques réside dans un mode de vibration, propre à chacune d’elles, des particules éthériques ?

Puisqu’on avait fait ce pas énorme de reconnaître la parenté de toutes ces forces, il est vraiment inconcevable qu’il ait fallu un temps si long pour arriver à déterminer chacun des modes de vibration qui les différencient. Il est extraordinaire, surtout, que le moyen de passer directement de l’un à l’autre et de les produire les uns sans les autres ait été découvert tout récemment.

C’est cependant ainsi que les choses se sont passées, et c’est seulement en 2790, il y a cent ans, que le célèbre Oswald Nyer y est parvenu.

Jules Verne, La journée d'un journaliste américain en 2889, 1889

+ - Document 3 (Jules Verne)

La foule encombrait les rues ; la nuit commençait à venir ; les magasins somptueux projetaient au loin des éclats de lumière électrique ; les candélabres établis d'après le système Way par l'électrisation d'un filet de mercure, rayonnaient avec une incomparable clarté ; ils étaient réunis au moyen de fils souterrains : au même moment, les cent mille lanternes de Paris s'allumaient d'un seul coup.

Cependant, quelques boutiques arriérées demeuraient fidèles au vieux gaz hydrocarburé ; l'exploitation de houillères nouvelles permettait de le livrer, il est vrai, à dix centimes le mètre cube ; mais la compagnie faisait des gains considérables, surtout en le répandant comme agent mécanique.

En effet, de ces innombrables voitures qui sillonnaient la chaussée des boulevards, le plus grand nombre marchait sans chevaux ; elles se mouvaient par une force invisible, au moyen d'un moteur à air dilaté par la combustion du gaz. C'était la machine Lenoir appliquée à la locomotion.

Cette machine, inventée en 1859, avait pour premier avantage de supprimer chaudière, foyer et combustible ; un peu de gaz d'éclairage, mêlé à de l'air introduit sous le piston et enflammé par l'étincelle électrique, produisait le mouvement ; des bornes-gaz établies aux diverses stations de voitures fournissaient l'hydrogène nécessaire ; des perfectionnements nouveaux avaient permis de supprimer l'eau destinée autrefois à refroidir le cylindre de la machine.

Celle-ci était donc facile, simple et maniable ; le mécanicien, assis sur son siège, guidait une roue directrice ; une pédale, placée sous son pied, lui permettait de modifier instantanément la marche du véhicule.

Les voitures de la force d'un cheval-vapeur, ne coûtaient pas par jour le prix d'un huitième de cheval ; la dépense du gaz, contrôlée d'une façon précise, permettait de calculer le travail utile de chaque voiture, et la Compagnie ne pouvait plus être trompée comme autrefois par ses cochers.

Ces gaz-cabs faisaient une grande consommation d'hydrogène, sans parler de ces énormes haquets, chargés de pierre et de matériaux, qui déployaient des forces de vingt à trente chevaux. Ce système Lenoir avait aussi l'avantage de ne rien coûter pendant les heures de repos, économie impossible à réaliser avec les machines à vapeur, qui dévorent leur combustible même aux temps d'arrêt.

Les moyens de transport étaient donc rapides dans les rues moins encombrées qu'autrefois, car une ordonnance du ministère de la Police interdisait à toute charrette, fardier ou camion, de circuler après dix heures du matin, si ce n'est sur certaines voies réservée.

(...)

Il eût été fort surpris sans doute ; mais les hommes de 1960 n'en étaient plus à l'admiration de ces merveilles ; ils en profitaient tranquillement, sans être plus heureux, car, à leur allure pressée, à leur démarche hâtive, à leur fougue américaine, on sentait que les démons de la fortune les poussait sans relâche ni merci.

 

Jules Verne, Paris au XXe siècle, 1863

+ - Document 4 (Atlan, Droit)

La nouvelle convergence des technologies transformera radicalement l'existence d'une manière bien spécifique. Quand existera la machine pensante, l'espèce humaine pourra se métamorphoser, : l’humain pourra être augmenté. En fusionnant avec les machines, nous pourrons sortir de nos limites, étendre nos capacités. Le « plus » est le leitmotiv central du transhumanisme : « H+ » est son signe de reconnaissance.

Pour atteindre ce but, le corps serait prolongé, restructuré, investi de milliers d'ordinateurs microscopiques. À terme, il serait même possible de quitter définitivement le corps « version 1.0 ». Télécharger son esprit sur un disque dur, faire partie intégrante de la machine pensante garantirait une forme de vie éternelle. Il n'y a donc rien de miraculeux ni de surnaturel, pour les transhumanistes, dans leurs prévisions fantastiques. Uniquement la croissance exponentielle de la puissance technologique. Pour cela, ils se fondent notamment sur la loi de Moore, du nom du cofondateur de la société Intel, Gordon Moore, qui constatait dès 1965 que la puissance de calcul des ordinateurs allait doubler tous les dix-huit mois environ. Cette croissance, en extrapolant sa courbe - quitte à faire fi des contraintes incontournables des lois de la physique -, laisse présager que l'intelligence humaine sera bientôt brutalement larguée.

La vie évolue très lentement, ses métamorphoses se comptent par millions d'années. Au contraire, les capacités des ordinateurs augmentent à un rythme vertigineux. Bientôt, les machines seraient plus intelligentes que nous, capables de penser plus vite, communiquant entre elles. Alors le monde devrait s'attendre à basculer.

C'est en 2030, environ, que tout changerait. L’intelligence humaine, autrefois enfermée dans la boîte crânienne, limitée aux capacités de notre cerveau, pourrait alors s'installer pour de bon dans les transistors et les processeurs. En un court laps de temps, cette intelligence serait elle-même devenue immensément plus puissante qu'aujourd'hui. Cet avènement d'un univers dont on n'a pas idée a pour nom de code, aujourd'hui, la « Singularité ».

Monique Atlan et Roger-Pol Droit, Humain une enquête philosophique sur ces révolutions qui changent nos vies, 2012

+ - Document 5 (Chris Debien)

« Démarrage. »

L’ordinateur moulina quelques secondes puis laissa apparaître l’icône de la clef.

« Ouverture. »

Un seul fichier: De Jaeger.

« Ouverture fichier, lecture. »

« Le 1er janvier 2000, le monde s’est réveillé avec une sacrée gueule de bois. Le Bug de l’an 2000, prophétisé depuis quelques années par les plus grands ingénieurs informatiques de la planète et négligé par les gouvernements, s’est finalement produit.

« En quelques heures, le chaos s’est installé, se propageant au fil des réseaux d’information, entraînant l’effondrement d’une grande partie de l’économie mondiale : de nombreuses entreprises ont été obligées de fermer leurs portes, les banques ont été prises d’assaut par des clients inquiets de perdre les économies d’une vie... Un peu partout dans le monde des milliers de vies se sont éteintes dans des catastrophes aériennes et ferroviaires tandis que certains cœurs nucléaires se sont mis à fondre. « Durant quelques mois, les États ont été contraints de se refermer sur eux-mêmes pour panser leurs plaies et contenir les émeutes qui éclataient aux quatre coins de la planète.

« Rapidement, la population a développé une méfiance vis-à-vis des ordinateurs et de l’informatique, transformant le développement du web.

« Certaines nations ont profité de l’opportunité pour fermer leurs frontières et mettre en place un régime politique plus radical.

« En 2004, les États du Néo-G20 se sont réunis en un colloque exceptionnel afin d’harmoniser une politique au niveau mondial concernant les réseaux informatiques. Cette réunion a abouti à la signature du World Shield Act, un accord fixant de manière rigide la création et l’exploitation des systèmes. « Ainsi, toute production non agréée de composants informatiques, de logiciels est interdite et l’accès aux réseaux est soigneusement réglementé.

« Parallèlement, les gouvernements adhérents au WSA ont créé une Police spécialisée disposant de moyens importants et de pouvoirs d’intervention sans limites : les Angel’s Squad... Les chefs d’État peuvent ainsi réaliser leur plus grand fantasme : contrôler les populations. Croire que le Bug n’était qu’un accident relève d’une naïveté enfantine. Nous avons le devoir de résister, de lutter pour détruire cette police qui nous manipule sous prétexte de nous protéger... »

« Stop lecture ... Dinah, analyse de la source.

Chris Debien, L’homme-qui-allait-sauver-le-monde, 2014

+ - Document 6 (Bilal)

Extrait de Enki Bilal, Le sommeil du monstre, 1998

+ - Document 7 (Robida)

Extrait de Albert Robida, Le vingtième siècle, 1883

 

+ - Document 8 (Didier Graffet)

814YlvKJaL

Didier Graffet, Couverture du livre Effluvium, 2019