Depuis qu’une limace a investi la cavité interne de mon oreille, j’entends de la réalité un autre son de cloche. Le bruissement des êtres autour de moi s’est d’un coup amolli et les marteaux-piqueurs ne s’enfoncent plus que dans le chewing-gum des trottoirs. Si je m’accommode bien des discours mielleux et écoute enfin, avec soulagement, la foule de mes adversaires donner du mou, je supporte plus difficilement que toutes les musiques deviennent contre mon gré sirupeuses. Mon Jazz se relâche : la batterie et la contrebasse lourdingue ne scandent plus de rythme mais débitent un chapelet de sons flasques, autour desquels s’agglomèrent les arpèges de pianos ramollos et les trémolos de guitares blettes. Les improvisations mollassonnes d’un saxophone ou d’une trompette ne rendront pas ce brouet moins indigeste.